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Nous ne rêvons pas que de choses perçues pendant notre état de veille. La preuve ? Des études scientifiques ont étudié les rêves des personnes privées dès la naissance d’un sens (vue, audition). Et les résultats défient la logique commune. En rêve, les aveugles voient et les sourds entendent. Et oui, tout est possible, en vrai 😉 !

Les rêves des malentendants

Ursula Voss, psychologue spécialiste du sommeil à l’Université Goethe de Francfort, a demandé à trente-six étudiants et dix personnes sourdes et muettes de noter leurs rêves pendant deux semaines. Un investigateur était chargé de retranscrire les récits des rêves des personnes mal entendantes dans un style plus fluide, sans changer le fond afin qu’on ne puisse pas détecter de quel groupe ils provenaient.

Puis, quatre évaluateurs ont lu les récits de rêves et tenté de retrouver les rêves des malentendants. Ils se trompaient constamment et n’arrivaient pas à reconnaître de quel groupe provenaient les rêves. Cette expérience a d’ailleurs montré que les thèmes, les personnages, les interactions, les couleurs et les expériences sensorielles étaient les mêmes.

Plusieurs rêves de sourds et muets comportaient des allusions précises au fait d’entendre des paroles, des chants, des bruits dans leurs rêves. Et plusieurs rêves de personnes entendantes rapportaient des rêves dans lesquels ils n’arrivent pas à parler, crier, ou entendre ce que leur interlocuteur essaie de leur dire.

Au final, 49 % des personnes malentendantes ont entendu des paroles et 43 % ont parlé pendant les rêves rapportés lors de cette étude. Ces personnes ont déclaré qu’elles le faisaient sans effort, comme par télépathie.

Les rêves des aveugles

Certains aveugles de naissance déclarent « voir » en rêve. Mais s’agit-il réellement « d’images », telles que les personnes voyantes se les représentent ? Jusqu’en 1999, on pensait que les personnes qui avaient perdu la vue après l’âge de 7 ans continuaient à voir en rêvant, bien que la fréquence et l’intensité des visions s’estompaient avec le temps. Puis, la limite pour que la cécité n’empêche pas l’activité onirique a été fixée à 5 ans.

Une étude portugaise a comparé les rêves de dix aveugles et de dix voyants dans un laboratoire du sommeil : réveils toutes les 90 minutes pour raconter leurs rêves et données cérébrales enregistrées sur des électroencéphalogrammes (EEG). Les rêves des aveugles comportaient des sons, des sensations tactiles, des paroles, des mouvements et des « visions » des scènes. Les EEG montraient une modification des ondes dans les régions occipitales du cerveau, zones attribuées à la vision.

« Plus précisément, ce ne sont pas les régions primaires où parvient l’influx nerveux venu des yeux, mais les régions secondaires où la sensation visuelle est interprétée en termes de couleurs, de forme et de mouvement. Autrement dit, le cerveau s’est réorganisé en croisant les modalités perceptives pour utiliser ces régions qui ne sont pas stimulées par les yeux pour “voir” avec les doigts. »

Isabelle Arnulf, neurologue, directrice de l’unité des pathologies du sommeil de l’hôpital de la Pitié Salpêtrière, à Paris, Une fenêtre sur les rêves

Voici maintenant la traduction de la conclusion de cette étude menée en 2003 par Helder Bértolo, Teresa Paiva, Lara Pessoa, Tiago Mestre, Raquel Marques, Rosa Santos. La version en anglais se trouve ici.

Contenu visuel des rêves, représentation graphique et activité alpha EEG chez les sujets aveugles congénitaux

On prétend actuellement que les aveugles congénitaux n’ont pas d’imagerie visuelle et sont donc incapables de présenter des contenus visuels dans leurs rêves. Le but de notre étude était d’évaluer quantitativement l’existence de l’imagerie visuelle dans les rêves de cécité de naissance et de la corréler avec des mesures objectives, telles que les composantes de fréquence EEG du sommeil, à savoir l’atténuation alpha (considérée comme un indicateur de l’activité visuelle), et l’analyse graphique des représentations picturales des rêves.

L’enquête a été réalisée via des enregistrements simultanés de rapports de rêves et de polysomnographie, pendant le sommeil nocturne chez les volontaires ; les réveils réguliers programmés pendant la nuit ont fourni les données pour l’analyse des rêves et de l’EEG. Le matin, les sujets ont été invités à faire un dessin de leurs images de rêve.

Les aveugles congénitaux (n = 10) étaient comparables aux sujets voyants normaux (n = 9) : les deux groupes présentaient des indices d’activité visuelle équivalents et aucune différence dans l’analyse de la représentation graphique de l’imagerie onirique.

Cependant, les sujets aveugles présentaient un taux de rappel des rêves inférieur à celui des voyants (27 % contre 42 %). Les deux groupes présentaient une corrélation négative significative entre l’indice d’activité visuelle (VAI) et la puissance alpha dans les dérivations centrales et occipitales de l’O2 (aveugle : C4 : r = −0,615, P<0,005 ; O2 : r=−0,608, P<0,006 ; voyant : C4 : r=−0,633, P<0,01 ; O2 : r=−0,506, P<0,05).

Cette corrélation était plus faible pour les aveugles dans O1 (r=-0,573, P<0,05) et inexistante pour les voyants. Les individus aveugles ont une activité alpha significativement plus faible dans la dérivation centrale. En conclusion, les aveugles congénitaux ont un contenu visuel dans leurs rêves et sont capables de le dessiner et, comme prévu, leur AVI est négativement corrélé avec la puissance alpha EEG.

Des réponses qui amènent d’autres questions

Ces expériences ainsi que d’autres sur les rêves des personnes amputées montrent que les personnes en situation de handicap à l’état de veille ne le sont plus en rêve. Reste à savoir si notre corps en rêve est une représentation mentale préprogrammée à marcher, voir et entendre qui se réactive pendant l’activité onirique ou un corps qui capte, intègre et exprime les expériences physiques des personnes qui l’entourent. Tu as un avis sur la question ?

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